Veine

Publié le par M

Un ensemble d'images et de pensées qui se percutent pour se figer sur l'ultime image, l'ultime pensée enveloppée du souffle chaud de l'injection avant l'anéantissement, c'est l'idée que je me faisais de la mort ou plus précisément du néant qui s'ensuit.

 

Amas de tissus et de sang, je divague déjà avant que ne s'évanouisse toute velléité d'être ou de n'être plus. Pas eu le temps de réfléchir aux conséquences possibles. L'heure n'était pas à la pensée philosophe sur la fin de vie, l'impact d'une mort soudaine sur les proches, celui de mon enfant en particulier. Le moment est chargé d'émotions immédiatement balayées par la paperasse à remplir, les premiers soins à recevoir, l'odeur rance de la bétadine s'échappant de la douche, la couleur rouge de celle-ci faisant écho aux représentations multiples que nourrit cette tonalité de vie, d'amour et de mort. 

 

Dans ce sommeil sans rêve, le corps est rendu à la seule matière, à sa primitivité, condition première pour qu'il revienne à la vie, aux rires, aux pensées, à la culture qui élève parfois l'esprit au-dessus des fossiles, au bonheur d'avant. Ce n'était pas la première fois pourtant. Mais cette opération est d'âge adulte quand les premières avaient encore le goût de l'enfance. Appendicite, dents de sagesse, ces mots sont intrinsèquement liés à la mythologie de l'âge tendre. Parfois en dépit de ce que leur nom suggère...la sagesse... Rien de tel cette fois-ci. Il s'agit bien d'une opération de l'entre-deux, plus foetale que fatale d'ailleurs. Quoi de plus naturel finalement au regard de mon âge ? Plus que 3 ans et je changerai de décennie pour entrer dans le mitan de la vie.  

 

Me voila, une semaine après avoir été suturée et les plaies avoir été rouvertes, échangeant sur le sens de la vie avec des âmes croisées là dans cette taverne propice à ce genre de réflexions comme à d'autres, plus légères bien que toujours profondes. Cette taverne donc qui accueille les confidences et déguise les doutes sous d'habiles joutes verbales figure l'élément matriciel protégeant, abstrayant pour un temps nos vies sauvées de la déliquescence. De néant nous parlâmes avec l'évidence des enfants abandonnés. Du sens de la vie nous devisâmes de façon vive car agressés par ce sujet urticaire. Que faire dans ce laps de temps donné, borné, vite périmé puisque rien n'en restera, que le souvenir s'éteindra progressivement mais sûrement ? Un peu plus de rien jeté dans la marmite bouillonnante de l'humanité, désossant les envies et les doutes, les catapultant au-delà du limes de la vie. Là-bas où l'horizon croise le néant.  

Publié dans Roman d'Amour Noir

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