Réel

Publié le par M

Ma vie est cet habitacle décoré de fleurs tombant en une frange sur le front de l'ennui. Mes pensées comblent le vide qui sied si bien aux âmes en partance si n'était l'amour qui jaillit et déborde de la coupe que je porte aux lèvres. Le réel est dans cette danse incertaine où s'abîme l'ego pour nager vers toi. Nos rêves sont des bulles qui évoluent côte à côte sans jamais se perturber. Nous allons sans but car seul le chemin bordé de jonquilles a cette beauté de l'instant. Nous nous quittons le long d'une épine dorsale urbaine, la ville étirant le fil entre les coeurs dilatés comme l'on s'étend au soleil, nature, urbanité, corps frayant l'unité du monde. Je m'arrime à mon écran le cou souffrant de cette tension vers le bas avec qui je cohabite depuis quelques mois comme pour mieux prendre la mesure de la difficulté de regarder l'horizon. Le choix ne s'offre pas, il se prend. Alors je délaisse les graphiques emprisonnant la réalité dans quelques cartouches et flèches pour m'abandonner à cette joie unique de bâtir des phrases comme on érige des murs ajourés pour laisser passer les rêves, m'aidant de ces outils que l'on appelle "mots" pour figurer l'univers, celui que je projète dans la grisaille du réel. Je cherche la musique qui leur correspond comme un quêteur d'harmonie dénichant des tableaux impressionnistes sur les murs sales de la ville. Je structure le cadre comme on fixe la photo pour permettre à la liberté de sortir de sa cage. Je la vois butiner des séquelles de terre ignorant la relativité qui est le principe universel de toute vie. Pestant contre les ornières qui la font trébucher, elle s'emporte comme un enfant ne trouvant pas les mots, admoneste les voyageurs du train abrutis d'habitudes qui la regardent sans la voir, tague le réel d'une encre translucide n'atteignant jamais la cible qu'elle désigne. Personne ne voit cette affreuse petite bonne femme qui se nomme liberté parce qu'elle n'a, elle, aucune réalité. J'habite désormais cette vie contingente comme une maison de famille qui enracine, protège, écrase par la lourdeur de ses valises. Et la vie est belle parce qu'elle est mienne et que le jour se levant, ton visage me sourit.

Publié dans Courant poétique

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