Faux jumeaux

Publié le par Mama Mia



Sur les parvis d'une Eglise sans toît, deux frères s'avancent dans un duel sans témoin. Le soleil se couche sur leurs illusions. Dans leur coeur, la place de l'autre résonne en creux. Les souvenirs sont projetés dans une zone inaccessible aux hommes lettrés. Le seul impératif qui demeure est de survivre au partage des os. Ils continuent de marcher l'un vers l'autre dans un cadencement qui rappelle le pas des condamnés. Ils se jaugent et énoncent le jugement sans appel de celui qui fait face. Dernier écueil dans un vaste recueil de larmes séquencé par les césures d'une histoire siamoise. Les huisseries grincent. Les peintures sont écaillées. Le glaive est levé sur l'empire. Le rideau recouvrira bientôt la scène d'une flaque de sang dégoulinant le long de cette ultime charnière. Les corps ne sont plus que des morceaux de viande que l'on jetterait bien aux vautours lâchés sur cet abîme de désolation si le ciel existait encore.  Qu'est ce qui justifie cette tragédie ? Nous ne le saurons pas. Nous nous contenterons d'émettre des hypothèses. Les rides profondes du premier, les mains tannées de l'autre. Tanné d'avoir trop caressé d'espoir une union sans faille ? Ridé d'avoir trop attendu que le soleil ne se lève sur l'étoile qui se file déjà comme les ébats déchirants des amants qui savent trop bien que leur temps est compté. La passion succombe d'avoir trop lissé les draps, la corde trop serrée laisse expirer l'amour en le contemplant dans la beauté de sa pâleur.  Les différences entre nos deux protagonistes sont imperceptibles pour qui est aveugle aux contractures héritées d'une vie en ramifications. Les chemins sont des branches qui naissent de la sève et meurent dans des torrents d'aigreur, des coups de foudres et des ouragans de bonheur. Le drame se tisse dans cette échappatoire de la vie, dans cette troisième dimension qui donne le relief, le rythme, le souffle, les pleurs aussi, comme autant d'ingrédients d'un drame millénaire. L'heure est venue de dépareiller les corps, d'inciser les chairs, de démêler les sangs, de vomir les entrailles enchevêtrées depuis tant d'années et d'anéantir les derniers arpents d'une terre en partage.

Publié dans Courant poétique

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