Si j'étais une place

Publié le par Mama Mia

Je m'imaginerais peinte au pochoir sculpté par la danse langoureuse, passionnée, duelle, sensible et maladroite de l'ombre et de la lumière. Je serais située tout au bout d'un chemin caillouteux, longeant une lagune vert émeraude. Assise, debout, réservée mais jamais numérotée, publique mais pas forte je serais une place toujours en mouvements. Une place où l'on se hèlerait, joyeux de se retrouver au milieu des étals dans un Clos ouvert. Ma place serait un cimetière de chaises, chacune étant l'ombre portée comme l'écho de vies croisées, tutoyées, accidentées, recollées : des fauteuils club pour refaire le monde en dégustant un verre d'armagnac, des chaises de comptoir pour descendre quelques bières au goulot avec mes diablesses de copines, des tabourets pour les jours de brume où ce qui compte est l'alter ego qui nous fait face en côte à côte, un fauteuil profond de grand hôtel pour étreindre le feu et échanger un dernier baiser. Dans ma place, il y aurait aussi des alcôves pour se réfugier seul par gros temps, des bâteaux pour encalminer ses chagrins, une piscine à balle pour entendre les cris des enfants, des rochers où ils cueilleraient des trophées en forme de bernard lhermites quand les grands retournant le sablier les imiteraient, des tabliers pour chasser les serpents, des fragrances raffinées pour les attirer dans un écheveau de mots, des oiseaux de toutes les couleurs pour accentuer les éclats de lumière, des paysages halieutiques pour capter la poésie du monde en un clic, une plume pour effleurer le papier-bulle et donner ainsi vie à la page, du soleil incrusté dans la neige qui caresserait les cheveux d'anges, une bibliothèque-monde qui porterait toute l'histoire de l'humanité, mémoire de ma descendance dans un enchevêtrement de lettres et d'esprits. Ma place n'aurait pas de porte, que des fenêtres pour ne jamais dire adieu, juste à tout à l'heure dans une autre vie, une autre ville, une autre place. On pourrait partir à la chasse, la place nous attendrait, accueillante et bienveillante. Oui, ma place serait tout cela à la fois. Elle serait mon anamorphose qui me révèlerait à moi-même, dans une maïeutique du non-dit, de l'éprouvé, de l'émotion sensible et du changement d'angle. Faut-il l'acheter cette place, l'assiéger, la gagner, la rêver ? Je ne sais, parce que je ne l'ai pas trouvée. Mais tant que j'entendrai son coeur battre, je la chercherai éperdument dans un "je" de mots, de piste et d'équipe.

Publié dans Courant poétique

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L
On dirait bien une "place d'âme" ... bienvenue chez toi Myriam !
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